Journal de Bord

La description détaillé au jour le jour du voyage de 5 ans du voilier Yallah! Un voilier GibSea 34 au départ du Lac Champlain, les préparatifs, la descente du Hudson et le voyage vers la Floride par l'Intracoastal. La traversée vers les Bahamas et la descente jusqu'au Venezuela et le retour à St Paul de l'Île aux Noix.
Des anecdotes, des guides nautiques, des cartes, des trucs...quoi faire ou ne pas faire, les mouillages...des bons et moins bons endroits!

lundi 27 septembre 2004

Coral Gables/Coconut Grove, FLA (1,9m)

Nous nous ancrons dans 10 pieds d’eau. Nous sommes entourés de nombreux bateaux ¨ventouses¨ et une douzaine d’épaves. Je me remets en chasse pour trouver un mécano. Nous en avions déniché un à Miami Beach, il proposait ses services à 42$US l’heure et pensait faire le travail en 18 heures, mais le "liveaboard" Turc, m'avait fait une mise en garde contre les "white shirts mechanics" qui donne un estimé, sorte le moteur et après traîne le travail pendant des mois... parce qu'il ne salisse pas les mains, d'où le nom.
C’est déjà beaucoup mieux que les marinas à 75/85US$ qui ne pensait pas nous prendre avant 3 semaines et n’excluait pas la possibilité de nous sortir de l’eau, pour pouvoir enlever le moteur???  Étrange, et tous, pensaient changer les injecteurs!!! 
L'entrée de la marina de Coconut Grove et son dinghy dock
 Dans le mouillage de Coconut Grove on rencontre un Jamaïcain, sans expérience, qui nous offre le travail en un temps indéterminé à 1300US$!!! Mais heureusement qu’a chaque fois qu’on s’informe, les gens nous parlent d’un Franco-Ontarien, Gerry qui habite sur son voilier Random Wake et qui est, à l’unanimité, un excellent mécanicien. Il faut juste le trouver, parce que certains nous disent qu’il est au Canada, d’autres, qu’il est caché dans une marina pour la durée des ouragans.
Une semaine après le passage de ¨Jeanne¨, on apprend enfin qu’il arrive avec son bateau! Notre dernière chance! Ils nous proposent de sortir le moteur sur place, de faire le travail à l’ancre à la condition que je l’aide, après tout il n' a que 76 ans!  En plus d’un cours de mécanique, il me donne le numéro de téléphone pour que je puisse commander les pièces, sans intermédiaires. Le travail se fait dans la bonne humeur en 9 heures à 35US$!!! Les pièces n’ont coûté que 200US$ incluant le nettoyage des injecteurs par Bosch et la découverte que mon problème date...de Montréal!  Le mécanicien avait mal remonté les injecteurs...une job de m.... pour 5000$ que j'avais réussis à négocier, sous la menace de poursuite à 3000$  Québec sait faire!
Au moins on est très loin du scénario catastrophe imaginé par les "professionnels" des marinas.
Maintenant que tout est à l’ordre, il ne reste qu’à attendre la fin de la période des ouragans et se remettre en marche vers les Keys. 
Le dinghy dock et les annexes des "liveaboards"
 En attendant, on visite Miami. La première chose qu’on remarque, est que, contrairement au centre-ville et le reste des USA, la banlieue ou nous sommes, n’est pas propre, il y a beaucoup de SDF qui jettent leurs déchets partout, quand ce n’est pas eux-mêmes qui traînent…
En plus, ici, le syndrome 9/11 est très visible, surtout que nous sommes en période électorale. Il y a des uniformes partout, des mises en garde apocalyptique, des hélicoptères qui font du rase-mottes, interdiction pendant 12 heures, sans explication, de venir en annexe au ponton de la marina, une première! 
Interdiction de sortir en mer par ¨Government Cut¨ qui est le port des paquebots de croisières. Interdiction, moyennant la saisie du voilier ET 200,00US$ d’amende ET 10 ans de prison, d’approcher des paquebots à moins de 200 pieds. Ce qui est comique, parce que dans les USVI, à St Thomas on était ancré à moins de 100 pieds des mêmes bateaux que nous voyons ici. Mais là-bas, on était loin de la ¨Bushfolie¨. En plus, dans toutes les marinas, les quais publiques, même les magasins nautiques, des ¨posters¨ invitent les gens à signaler aux autorités toutes personnes étrangères, quand même bizarre, quant on pense qu’après tout, on est dans un port et une ville de villégiature, donc des gens qui semblent ce promener sans but, qui prennent des photos, qui ont l’air louche… un touriste quoi!
Malgré ces travers agaçants, on s’habitue à la vie ici. Nous sommes à 5 minutes de marche de l’internet, qui est toujours une des priorités, il y a un service d’autobus gratuit qui nous amène soit à l’épicerie, les magasins nautiques et le métro aérien. A partir du métro aérien 1,25US$ nous avons accès au centre-ville, qui lui est desservie par un ¨people mover¨ gratuit!
Une des 3 lignes de "people mover" gratuit
Ce service, est vraiment impressionnant, trois lignes surélevées partent de l’arrêt du métro aérien et sillonnent les rues du centre-ville et couvrent un assez grand territoire. Le wagon TRÈS vitré, sans conducteur pour bloqué la vue avant du wagon, roule silencieusement sur des pneus sur une ¨route¨ situé à, a peu près, le deuxième ou troisième étages des édifices. Le circuit, entrecroise souvent les autres lignes, ce qui permet de changer souvent de trajet et de voir presque tout le centre-ville. On peut aussi, tout simplement, rester à bord et revenir sans arrêt à son point de départ. Tout les arrêts, sont coordonnés pour faciliter un transfert avec une ligne d’autobus, le métro et même le train de banlieue. Tout les arrêts importants, ont un stationnement à étage (3US$) attenant au circuit. Tout est fait pour encourager l’automobiliste à laisser sa voiture à l’extérieur du centre. 
Une fois au centre-ville, vous pouvez facilement, changer d’endroit, soit pour travailler, par exemple pour mieux vous situer, dans le Vieux Montréal, aller sur la rue Ste Catherine pour magasiner, et dîner sur la rue St Denis et retourner sur la rue St Jacques travailler et ce, sans débourser un sous! 
Montréal, qui rêve qu’un jour les automobilistes changent leurs habitudes, devrait prendre des notes.
Pendant notre arrêt ici, on en profite pour ¨rafraîchir¨ la jupe du bateau qui avait quelques éclats de gelcoat et le nom du bateau en mauvais état. Un ¨liveaboard¨ français nous fait un sablage et une peinture polyuréthane au mouillage pour un prix d’ami. Yallah! a fier allure.
On fête en gang...dans un petit catamaran de 50', "homemade"
 Un weekend nous allons 3 ou 4 bateaux ensemble vers Elliott Key, à part que l’eau y est plus claire, il n’y a rien à y faire, surtout que l’île est infestée de ¨nosseeums¨!
27 septembre au 9 décembre 2004  (1,9m)

jeudi 2 septembre 2004

South Miami/Miami River/South Miami/Coral Gables, FLA

Si la tendance se maintient…Frances va venir nous voir. On se déplace donc vers la rivière Miami, on croise des bateaux qui vont dans toutes les directions, c’est la panique générale, Frances vient d’être déclaré, ouragan catégorie IV, et est en route pour Miami!
Tout le monde à une solution différente, certains mette en pratique le dicton, ¨fait ce que je dis, pas ce que je fais¨, on ne sait plus trop quoi faire. Mais la logique me dit qu’a l’intérieur des terres à presque 5 miles de la côte,  au minimum on devrait éviter les vagues, avoir moins de vents et avoir quelques choses de ¨solides¨ pour s’accrocher.  En arrivant, à l’embouchure de la rivière, je vois que tout les ¨commerciaux¨ comme les ferry, les ¨tours operators¨, les écoles de plongées, les remorqueurs océaniques, tous, s’engouffrent dans un ¨stampede¨ affolant. Les ondes radios sont envahies par les appels pour faire ouvrir les nombreux ponts qui bloquent la remontée de la rivière. On est chanceux, on ¨s’incruste¨ entre un remorqueur qui remonte la rivière avec une péniche et un duo de ¨Tow BoatUS¨ qui essaie de manœuvrer un magnifique deux mâts en panne de moteur. Tout ce déroule dans une rivière bordée de bateaux océaniques (on en croise un, aidé par un remorqueur, qui descend la rivière de reculons!) de quais abandonnés, d’usines, le tout dans une rivière large comme la rivière l’Assomption!

Miracle!   Entre la 22e et la 27e, nous voyons un quai en béton derrière un petit bloc d’appartements, avec un voilier et de la place pour nous. Je m’informe, plusieurs personnes me rassurent, pas de problème, de toute façon c’est la loi en Floride, pendant un ouragan on peu s’installer partout ou il y a une place vide. Le voilier est partie se faire caréner, le propriétaire du bloc (un allemand très sympathique…) est compréhensif et après tout, on est en période d’ouragan. Évidemment, qu’il faudra payer un petit quelque chose, mais le proprio est t_e_l_l_e_m_e_n_t sympathique!
Notre premier essai, pour l'arrivé de "Frances", le quai du très sympathique "Nazi".
On passe la journée à préparer le bateau, ajuster les défenses, mettre le maximum d’amarres. Plusieurs personnes nous offres le logis dans leur appartement si jamais… Enfin! Le propriétaire arrive…et nous demande 400$US! Sinon, il faut quitter SON quai immédiatement, il va bientôt faire noir, je vais demander au capitaine du voilier voisin qui partage le même quai, si il a une suggestion, mais je n’ai pas le temps d’avoir la réponse. Le "très" sympathique propriétaire ne veut pas que je marche sur SON quai, parce que si je me blesse les assurances…bla bla bla. Heil Hitler!
Si le propriétaire n’est pas sympathique, en revanche, deux autres Américains nous offres de venir coucher ou se cacher dans leur appartement, un autre vient nous apporter au bateau, dans une pluie diluvienne, le journal et nous offre d’aller nous chercher de la nourriture si nécessaire.
On repart en vitesse, premier essai sur des piliers d’un parc municipal, je touche le fond. Deuxième essais, le long d’un quai désaffecté à plus de succès, mais le gardien, m’explique que le propriétaire ne veut aucun voilier, because les assurances…au moins lui, est gentil et semble sincèrement désolé.
J’avais remarqué, en montant la rivière, un long quai en béton désert, avec comme occupant un seul voilier, nous y retournons en vitesse, parce que le pont vient de s’ouvrir pour deux bateaux et il commence à faire noir. Riche idée! C’était la DERNIÈRE ouverture du pont pour la durée de l’ouragan!
Je longe le quai qui est malheureusement assez haut mais qui est équipé de taquets et à un endroit de deux madriers verticaux, je m’y accoste, nous sommes devant un gros bâtiment qui nous l’apprendrons est désert, et le propriétaire du voilier m’informe que ça fait des années qu’il vient ici, lors d’ouragan.
Notre "quai" ou Yallah! repose sur le fond à marée basse. On bougeras pas!
On s’installe! On est protégé des vents du NW et du NE, ce qui est annoncé pour le début de l’ouragan. La suite, sera plus compliqué, vent du SW, donc nous serons poussé sur le quai de béton… Pour compliquer un peu plus les choses, à marée basse le bateau touche le fond et pendant 2 heures on est sortie de l’eau de presque un pied, mauvais feeling!  Par contre, on ne peut certainement pas partir à la dérive!
Les vents atteignent 45 à 60kn, mais on est doublement chanceux, Frances est tombé catégorie II et aussi parce que la protection ici est bien meilleur comparé à celle de notre ancien mouillage à Lake Worth ou West Palm Beach.
Heureusement, que Frances est dégradé à un catégorie II, parce que Frances est immense, en fait l’œil est tellement grand que l’ouragan Charley aurait pu être à l’intérieur de Frances, en plus l’ouragan à tellement d’ampleur, qu’a un moment donné il couvrait de ses vents la côte Est et la côte Ouest en même temps…pas beaucoup de place en Floride pour l’éviter à part Key West!
2 au 6 septembre 2004   (4,8nm)

Enfin! Le vent tombe et à 5hrs du matin, je m’écarte du quai de béton, avant que la marée repose de nouveau le bateau sur le fond, ce qui, une fois le trafic repris, s’avérerait très dur pour les fonds du bateau. Donc, on tourne pendant quatre heures en rond en attente de l’ouverture du premier pont…
Le mouillage de South Miami, côté Ouest
On reprend notre place à South Miami, parmi quelques bateaux qui étaient restés, dont un chaviré, un coulé et un en train de finir de s’autodétruire sur un quai de béton, les autres ont tous l’air indemne. Enfin, cette nuit, je devrais pouvoir dormir une nuit complète, sans avoir à constamment réajuster les 9 amarres et les défenses à chaque changement de marée. Espérons que le petit nouveau Ivan, ne se dirige pas par ici…
6 septembre 2004   (4,8nm)

On s’en est bien tiré, et espérons qu’Ivan ou maintenant Jeanne, ne viendront pas dans le coin. Parce que nous avons un petit pépin, le moteur perd de l’huile et il me faudra un mécanicien. En Martinique, à Sainte Martin ou au Venezuela c’est simple et pas cher. A Miami, ou les ¨experts¨ de la voile, conseillent toujours d’y faire faire les travaux, avant de quitter pour le tiers monde… Eh bien! J’ai des petites ¨news¨ pour eux.
- Premièrement, il faut trouver la place. Facile, ici la publicité est omniprésente.
- Deuxièmement, il faut téléphoner…moins facile, les téléphones sont souvent en piteux états, le numéro de téléphone qu’on a réussit à trouver est déconnecté ou vous êtes transférez (sans le savoir) quelques part aux USA ou aux Indes! On vous donne, le nom d’une compagnie, mais ¨sorry¨ pas le numéro.
- Troisièmement, vous appelez l’opératrice pour avoir le numéro… mais dépendant de la cabine téléphonique, il n’y a PAS d’opératrice, ou cela vous coûteras 1,50$US pour l’information, et il faut savoir qu’a chaque fois que vous touchez à l’appareil sa coûte 0,35 ou 0,50…vive les compagnies privées indépendantes, paraît que le démantèlement de Bell est une grande amélioration pour le service!
France prépare ses décorations de Noël, en faisant du petit point...
Enfin! Après 2 heures, en plein soleil, dans une cabine qui n’en est pas une, mais plutôt un baril ouvert sur le côté, vous finissez par parler à un gérant de service. Pour apprendre, que pendant une alerte d’ouragan, LES MARINAS NE PRENNENT PAS de nouveau client, à cause du risque… vous savez les assurances! Mais si vous voulez, vous protégez d’un ouragan, f…. les assurances, ils sont prêts à louer un quai à 7,50$US le pied PAR JOUR! Certaines marinas ou plutôt ¨parking¨ à bateau on le culot d’exiger un minimum de 7 jours!  Donc, un bateau qui prendrait une place pendant que le mécanicien travaille dessus… même à 85$US de l’heure, c’est pas payant. On préfère, le renvoyer chez lui, évidemment pas payé et profiter des retombés diluviennes de $$$, sans avoir à fournir un service quelconque. On est loin de la Caroline, ou nous avions passé 10 jours à quai, sans payer, en attendant une pièce!
Mais comme dirait l’autre;  "This is Florida, its different!"
7 au 24 septembre 2004

Pendant que je fais la chasse aux mécanos, l'ouragan "Jeanne" décide de faire un tour complet sur elle même et au lieu de monter vers le nord elle suit exactement les traces de "Frances", direction Miami! On a attendu, jusqu'à la dernière minute, on a plus le choix. Heureusement, qu’un "liveaboard" Turc, nous proposes de le suivre dans son trou à ouragan ¨top secret¨, c’est pratiquement à la même distance que Miami River, mais sans les ponts et le très fort courant, donc moins besoin du moteur et même qu’avec un peu de chance, on pourras s’y rendre à voile.
Nous repassons donc devant l’entrée de Miami River, dépassons Dinner Key Marina et entrons à la pénombre, dans un tout petit canal. Une fois à l’intérieur, on découvre un Yacht Club, hyper privé et juste à quelques pieds, bordée par des arbres, on aperçoit dissimulé, un embranchement qui amène à un minuscule lac avec un bras de rivière. Les cartes indiquent peu d’eau, mais on a jamais moins de 10 pieds.
Il fait pratiquement noir, on ¨colle¨ le bateau contre les arbres et on ¨dompe¨ l’ancre, demain matin on s’installera mieux. L’ouragan est annoncé pour demain après midi et même s’ils annoncent 30kn de vent dans la matinée, ici on ne sent pratiquement rien…on verras bien!
Notre mouillage à ouragan, presque idyllique!
Le 25, on s’accroche aux arbres avec trois câbles et on relève l’ancre avec l’annexe pour allez la porter et déposer à 45o du bateau, 120 pieds plus loin. On jette la deuxième ancre, aussi à 45o, mais vers l’arrière. On enlève, le ¨dodger¨, rentre toutes les traîneries à l’intérieur, sécurise les panneaux solaires ainsi que la grande voile avec un câble. En fin d’après midi, on entend le vent souffler de plus en plus fort, mais on ne sent pratiquement rien, on se sent en sécurité ici. On mérite un ¨double happy hour¨!
En sécurité dans notre mouillage "secret"
Heureusement que "Jeanne", décide au courant de la nuit de suivre pratiquement à la trace le parcours de "Frances" et elle passe, encore une fois, à une centaine de mille plus au nord dans le bout de Stuart.  Malgré tout, quelquefois, on sent le bateau vibrer, pencher et tirer sur son ancre et les câbles. Et ce, malgré les 120 pieds de chaînes qui dans 10 pieds d’eau, agit comme ¨shock absorber¨. Je préfère ne pas découvrir, ce que serait un impact direct d’un ouragan. L’endroit où nous sommes caché est agréable et bien protégé, le seul défaut est l’omniprésence des ¨nosseeums¨ ou ¨gnagnans¨.
Si jamais vous avez le malheur d’être dans le coin lors d’une tempête, je vous suggère de venir vous y réfugier. L’endroit n’est pas indiqué dans le guide Skipper Bob, ni dans le guide de la Floride de Maptech et comme mentionné est ¨top secret¨et n’est employé que par les ¨liveaboards¨ du coin…donc il faut arriver assez tôt.
La position est au 25 42 180 par 80 15 119, et ce n’est pas moi qui vous l’ai donnez!  C'est secret!
24 au 27 septembre 2004  (7,2nm)